UNISSONS LE FEMININ ET LE MASCULIN SACRE
Je sens chez un certain nombre de personnes autour de moi une grande vague d’incompréhension, voire de méfiance et d’amalgame lorsque j’évoque le retour du féminin sacré, de la puissance du féminin et de la place juste de cette puissance sacrée dans la vie de tous les jours et surtout dans les rapports des femmes aux hommes et vice-versa.
Loin de moi l’idée de prôner une lutte de pouvoir. Après plus de deux mille ans de paternalisme, de misogynie, d’écrasement des femmes par les hommes il est compréhensible d’avoir vu se soulever un vent de féminisme. Ceci ne doit pas être confondu avec le retour du féminin sacré.
Dans les premiers temps de l’histoire humaine il est facilement envisageable de penser que le divin était représenté par une figure féminine. Nous pouvons l’appeler la Grande Déesse, celle qui engendre, qui possède le grand secret de porter et de donner naissance aux descendants. La femme fut certainement érigée au rang des personnes les plus importantes et les plus puissantes des groupes d’humains des premiers temps du fait qu’elle portait la vie. Les humains de l’époque, perdus dans les mystères de la procréation, n’avaient pour seule perception tangible que le ventre de la femme qui s’arrondit, puis délivre un petit.
Avec quelques compréhensions et connaissances supplémentaires sur le processus de fécondation, le rôle du masculin dans la création par l’apport de sa semence, l’aura du féminin a certainement perdu de sa magie et de sa puissance.
Imaginons un monde où le pouvoir est détenu par la partie humaine de sexe féminin, comme chez les amazones. Les hommes sont réduits à de simples pourvoyeurs de semence et sont littéralement réduits à néant après leur devoir accompli. Cela n’est pas sans rappeler l’union des mantes religieuses. Est-ce un meilleur comportement envers le sexe opposé que celui de certains intégristes de différentes religions envers les femmes ?
Certes ce piédestal féminin n’a peut-être pas été cherché avidement par les premières femmes mais elles l’ont occupé. Dans chaque groupe humain où un pouvoir est acquis par opposition à une autre partie du groupe nous constatons des abus. Cette hypothèse ne doit pas être écartée. La suprématie et le pouvoir dévoient tout, y compris les meilleures intentions.
Un équilibrage fut-il tout simplement nécessaire ? C’est ainsi que je m’explique le basculement, et donc l’arrivée du Dieu masculin unique, vengeur, culpabilisant et dévalorisant pour le féminin.
Les hommes actuels qui perpétuent cette vision de la femme savent-ils seulement pourquoi ils le font?
N’oublions pas, non plus, que de tout temps, le féminin fascine par les caractéristiques de son plaisir. Une femme, bien dans son corps et dans son sexe, qui connait parfaitement bien sa jouissance devient effrayante pour un humain masculin, tant il peut se sentir diminué devant tant de puissance et de dilatation énergétique.
Finalement, il se pourrait que la guerre du féminin et du masculin ces derniers siècles soit liée à la puissance de la jouissance féminine. Comment contenir un tel tsunami ? Comment ne pas se sentir tout petit en comparaison ? Quelle autre meilleure défense que l’attaque et la contrainte ?
En regardant l’iconographie des déités féminines au cours de siècles, nous pouvons nous rendre compte que les valeurs positives du pouvoir féminin ont toutes été dévoyées par la transformation négative des valeurs du féminin. Les femmes puissantes, les guérisseuses, les femmes qui possédaient un savoir médical ont été au fil du temps montrées du doigt comme étant des sorcières. Lilith, première femme créée à l’égal d’Adam a été expulsée de l’Eden et diabolisée pour devenir un démon dans l’iconographie courante.
La peur génère la méfiance et l’attaque. Que se passerait-il si un homme reconnaissait en lui-même ces valeurs dites féminines et si une femme reconnaissait et accueillait pleinement les valeurs masculines qu’elle peut incarner ? Ne deviendrait-on pas entiers ?
Le féminisme pur et dur, les chiennes de garde et autres groupements féministes sont certes nécessaires pour rétablir un équilibre mais ne sont pas, selon moi, la réponse à tant d’agressivité de part et d’autre. La paix et non la guerre et l’opposition est ma vision de la solution. Il me semble que tout ce que l’on entend sur les « hommes » et les « femmes » perpétue une opposition vaine. C’est comme si nous opposions la valeur du côté face et du côté pile d’une pièce de monnaie. Les deux sont nécessaires à la valeur de la pièce. Le féminin et le masculin sont deux énergies différentes et complémentaires. L’un ne va pas sans l’autre.
Accueillir l’autre tel qu’il est, c’est reconnaitre que l’autre est différent dans son énergie, ses façons d’être et de faire et d’accueillir ces mêmes facettes en soi. Si le féminin rejette le masculin (ou l’inverse) cela revient à nier l’autre en face de soi mais aussi à nier une part de soi-même. Il est indéniable que nous possédons tous des caractéristiques dites « féminines » ou « masculines » dans notre psyché. C’est ce qui fait notre richesse et notre beauté.
Je trouve ridicule de ne valoriser qu’un aspect de sa personne. Pourtant c’est aussi la voie que les grandes religions monothéistes nous ont montré. J’ai réalisé lors de mon parcours que les catholiques ont réduit le féminin à l’archétype de la Mère (Marie) et le masculin à l’archétype du Fils (Jésus). Comment pouvons-nous faire en sorte que le couple masculin/féminin fonctionne ?
Un couple masculin/féminin ne fonctionne que si tous les archétypes sont exprimés dans son expérience : enfant / parent / ami / amant / frère-sœur …. Il faut de tout pour construire une relation riche et pleine.
Je tiens à préciser que je n’exclue pas les couples homosexuels de cette dynamique puisque chaque humain possède à l’intérieur de lui-même une partie féminine (l’anima) et une partie masculine (l’animus). L’anima et l’animus sont des termes que Jung employait pour parler de sa théorie d’individuation : pour lui, un être était abouti si au terme de son travail personnel il avait atteint un équilibre réalisé entre ces deux polarités.
Je parle ici d’union, de reconnaissance mutuelle de l’apport des deux énergies et puissance à l’humain qu’il soit féminin ou masculin. Le fait de ne prôner qu’une partie de l’humanité comme étant la plus puissante ou la meilleure fait que nous ne reconnaissons pas en nous-même cette autre moitié.
Pensez-vous qu’un homme ne doive être que fort, rationnel, volontaire, courageux, déterminé, actif, musclé, protecteur … ? Et une femme fragile, douce, tendre, attentionné, dévouée, sensible, maternelle, pudique, naïve, patiente… ? N’est-ce pas carrément réducteur ? D’autant plus, que pour reprendre l’image précédemment utilisée de la pièce de monnaie, une face cache une autre face et que ces « qualités » peuvent vite se retourner en « défauts » sous l’effet du rejet. La fragilité devient de la faiblesse, l’attention de la curiosité, la force de la violence et la protection de la domination, pour ne citer que quelques exemples.
En fait tout dépend du prisme par lequel nous regardons l’autre. Et bien sûr, nous ne regardons l’autre qu’au travers de ce qui nous a été inculqué. Apprenons à changer nos regards, nos valeurs et à aller l’un vers l’autre pour découvrir d’autres facettes de nous-mêmes. Nous en sortirons grandis et plus riches, puisque nous pourrons nous exprimer avec un langage plus étendu que celui que nous avons utilisé jusqu’à présent.
Est venu le temps de sortir de cette opposition et d’allier les deux énergies pour découvrir une puissance encore supérieure. L’alliance du féminin et du masculin à l’intérieur de nous-même, qui permet un meilleur équilibre. Une fois cet équilibre atteint à l’intérieur de soi, il n’est plus nécessaire de chercher ce qui nous manque à l’extérieur, en l’autre. Nous possédons tout et nous sommes tous plus forts. C’est une solution gagnant-gagnant. Alors commence un autre type de relationnel.
Voici une illustration du gain que nous pouvons obtenir à avancer ensemble :
En ces temps de célébration, même la Terre nous parle de cet équilibre puisque dans l’hémiphère nord nous célébrons la Samhain (l’entrée dans la saison sombre et l’exploration de nos ombres) alors que dans l’hémisphère sud, ils célèbrent Beltane (l’entrée dans la saison claire et le renouveau, la renaissance) !
Gaia